Article 5 du Code civil : quel principe est-il énoncé ?

Rien n’oblige un juge à inventer la règle qui manque : il lui est même interdit d’en faire une norme générale. L’article 5 du Code civil trace une frontière nette, là où la tentation d’unifier ou d’étendre une décision pourrait surgir. Son message est limpide : la justice tranche, mais ne légifère pas.

Pourquoi l’article 5 du Code civil occupe une place à part dans le droit français

L’article 5 du Code civil n’est pas un simple vestige juridique, c’est un verrou qui fait écho au rejet des arrêts de règlement par les parlements de l’Ancien Régime. À cette époque, les magistrats s’autorisaient à poser des règles générales, quitte à froisser la loi royale. Les rédacteurs du texte de 1804 ont voulu rompre net avec ce pouvoir, donnant à la loi toute sa force vis-à-vis de l’interprétation judiciaire. Sobre dans sa formulation, l’article 5 façonne l’équilibre entre pouvoir législatif et pouvoir judiciaire.

Ce texte donne corps à la séparation des pouvoirs, pilier du droit constitutionnel, en rappelant que le juge ne peut jamais transformer une décision singulière en règle universelle. Seule la loi, expression collective, possède cette portée. La Cour de cassation veille, rappelant régulièrement que l’interdiction des arrêts de règlement ne souffre aucune exception.

Ce principe irrigue la jurisprudence : il oriente la manière dont les décisions s’enchaînent, tout en évitant que l’accumulation de cas ne prenne la place de la loi. L’article 5 impose une forme de modestie au juge, freinant toute velléité de création normative. C’est cette retenue, souvent commentée par les universitaires et les praticiens, qui continue de marquer la frontière entre interprétation et invention du droit.

Ce que dit exactement l’article 5 : le texte et sa signification

L’article 5 du code civil va droit au but : « Il est défendu aux juges de prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises. » Cette phrase ferme toute porte à l’édiction de normes générales par le juge et maintient la distinction entre l’application de la loi et la création de règles universelles.

En pratique, une disposition réglementaire désigne une règle abstraite, valable pour tous. Or, l’article 5 écarte toute initiative judiciaire qui franchirait cette limite. Seule la loi, ou, parfois, l’autorité administrative, possède ce pouvoir. Cette méfiance découle des excès des parlements d’Ancien Régime et s’inscrit dans la logique des articles du code civil de 1804, qui organisent la place du juge dans le droit privé et le droit des obligations.

Chaque décision judiciaire, du coup, reste collée au cas concret, sans jamais prétendre à une généralisation. Ce texte n’est pas une précaution de pure forme : il prive la décision individuelle de toute autorité normative. Le juge n’est pas un régulateur. Les commentaires de l’article 5 le rappellent sans relâche : interpréter la loi, oui ; créer la norme, non.

Interdiction des arrêts de règlement : quel impact sur les juges et la jurisprudence ?

L’interdiction des arrêts de règlement a durablement transformé la fonction du juge en France. Désormais, impossible pour un magistrat, quelle que soit la juridiction, d’imposer une règle générale. Son rôle se cantonne à trancher le litige qui lui est soumis. Une limite qui s’applique aussi bien à la cour de cassation qu’aux juges du quotidien : chaque décision de justice ne concerne que la situation particulière examinée.

Ce verrouillage, hérité de la méfiance envers les parlements de l’Ancien Régime, protège la séparation des pouvoirs. La loi vient du législateur, le juge se contente de l’appliquer. Même la plus haute juridiction ne peut transformer un raisonnement en norme générale. Pourtant, la pratique judiciaire ne s’en trouve pas paralysée. La jurisprudence se construit autrement : par la répétition de solutions dans des cas proches, jamais par la proclamation de principes universels.

Le juge, encadré par l’article 5 du code civil, avance avec prudence : il motive, il interprète, mais il ne crée pas une règle pour tous. Cette discipline façonne une jurisprudence évolutive où chaque arrêt, chaque décision enrichit le droit sans jamais lui voler la place de la loi. La cour de cassation, en refusant le principe des arrêts de règlement, maintient l’équilibre de la procédure civile et réaffirme la primauté de la loi.

Homme en extérieur devant un palais de justice consulte un code civil

L’article 5 en pratique : exemples concrets et liens avec d’autres principes du Code civil

Le principe posé par l’article 5 du code civil se manifeste chaque jour dans la résolution des litiges civils et commerciaux. On le voit à l’œuvre lorsque la chambre commerciale de la cour de cassation refuse de transformer une motivation en règle générale, qu’il s’agisse d’un contrat ou d’un dossier de droit bancaire. Par exemple, lors d’une promesse unilatérale de vente, le juge ne peut pas, par une seule décision, créer une règle applicable à toutes les promesses du même genre. Seule la loi, à travers les articles du code civil, fixe le cadre.

On retrouve cette logique dans le traitement des clauses abusives ou de l’imprévision. Même solidement motivé, un arrêt reste attaché au litige précis. La jurisprudence avance pas à pas, sans jamais prétendre devenir une source autonome du droit des obligations. Prenons la bonne foi posée par l’article 1104 du code civil : elle s’applique à chaque contrat, toujours sur mesure, sans généralisation venue du juge.

Voici quelques illustrations concrètes de ce fonctionnement :

  • L’exécution forcée d’un contrat : le juge examine chaque dossier à la lumière de ses spécificités, sans imposer une règle à tous les contrats similaires.
  • Pacte de préférence : la solution retenue dépend des faits propres à l’affaire, sans vocation à devenir une règle d’application générale.

Ce mode d’action tempère l’envie de créer des normes par voie prétorienne et assure la cohérence du droit privé français. Les autres principes, comme la séparation des pouvoirs, en sortent renforcés.

Avec l’article 5, la justice avance sur un fil : chaque décision éclaire le droit, mais personne ne peut la transformer en phare pour tous. Un équilibre subtil, qui fait de la jurisprudence une mosaïque plutôt qu’une loi.